Le Corps Mémoire

Centre de ressourcement et de connaissance de soi

Relation d'aide par le toucher : Inviter et contenir

Je vous avais promis une lettre sur la relation d'aide par le toucher. Cette locution a d'ailleurs été retenue par Jean-Louis ABRASSART pour sa méthode et je me dois de vous l'indiquer ici, en espérant que personne ne dépose un jour la marque "respirer" !

INVITER

L'image qui me vient souvent lors d'une séance, c'est que la personne s'est recroquevillée à l'intérieur d'elle-même. Qu'elle a renoncé.
Non pas faute d'avoir essayé, toute sa vie, elle a essayé une chose puis une autre, une chance et encore une autre et finalement elle a tellement rarement reçu ce qu'elle attendait vraiment, le monde lui a tellement souvent confirmé que jamais elle ne pourrait recevoir ce qu'elle attendait (de l'affection, du soutien, de la reconnaissance, de l'aide, de la considération, de l'amour...) qu'elle a fini par baisser les bras et éviter les situations où elle serait susceptible d'être blessée par un nouvel échec.

Elle a renoncé à quoi ?
A sa sensibilité, à une "partie" d'elle-même qui la rend sensible... à ce qui la touche.
Mais le monde, dans sa simplicité, est persévérant. Il apporte les événements qui ne manqueront pas de réveiller cette sensibilité blessée. Souvent c'est à cette occasion que je vous rencontre. Quelques temps après un deuil, une séparation, un départ, une perte qui a réactivé dans l'émotion ce qui était maintenu en sommeil.

Quelle est cette invitation ?
Une invitation par le toucher. Une invitation à venir à la rencontre des mains qui vous touchent comme si un ami venait sonner à la porte et que vous quittiez votre fauteuil pour vous lever et aller lui ouvrir. C'est si simple. Et que rencontrez-vous en chemin ? Juste un espace sans véritable obstacle, mais inhabité depuis longtemps ou plutôt habité par la peur. La peur que "ça" recommence, la peur de la trahison, la peur d'être. En faisant ce chemin, vous vous rencontrez à nouveau vous-même.

Il ne s'agit pas ici d'avoir confiance, et encore moins confiance en ces mains qui font autant d'erreurs que d'autres (ou presque, d'accord !). Non, il s'agit tout simplement de se rendre à l'évidence : il n'y a pas d'autre chemin !
Il n'y a pas d'autre chemin que d'aller vers soi. Et quand vous y êtes invité(e), vous répondez naturellement.

Bien-sûr la peur peut être là. Si vous n'aviez pas eu peur de manquer, de perdre, de disparaître, vous n'auriez pas eu à renoncer à vous-même. Ce qui est la plus grande blessure n'est cependant pas celle qui vient de l'extérieur, c'est celle que vous vous êtes infligé à vous-même, celle de renoncer à vous-même, à votre grandeur, à votre lumière, pour ressembler à qui ? à quoi ? Aux êtres dont vous étiez dépendant et à qui vous ne vouliez pour rien au monde ressembler. Des êtres qui avaient eux-mêmes renoncé à être sans peur.

CONTENIR

Je voulais vous parler de la peur, pour vous dire que toute votre vie vous avez cherché à l'éviter. Vous avez essayé toutes les solutions, parfois au risque de votre santé. Quand nous nous rencontrons, vous découvrez une chance d'agir autrement. La chance de renoncer à vouloir vous débarrasser de cette peur, de cesser de vouloir l'expulser de vous-même, de cesser de la mettre à distance... pour finalement accepter de la vivre. De vivre ce qui vous a mis dans un tel danger, vital à l'époque, que vous avez mis toute votre énergie jusqu'ici à éviter de la vivre. Vous avez lâché du lest, oui, mais jamais l'essentiel.
J'ai vu quelqu'un ces jours derniers qui au moment de renoncer à lutter contre cette peur de mourir, à la seconde même s'est mise à vivre comme elle n'avait JAMAIS vécu. De toute sa vie, elle n'avait pas été "vivante" dans le sens d'habiter son corps, de peur de mourir !

Mais c'est maintenant le moment de parler de "contenir" pour faire le lien avec le paragraphe précédent. Contenir sa grandeur, sa lumière, par peur qu'elle ne puisse être contenue par l'entourage (nous parlons ici de la petite enfance).
Certaines personnes ne sont pas réfugiées à l'intérieur d'un espace vital amoindri, elles passent leur vie à se contenir elles-mêmes par peur de dépasser les limites acceptables. Les limites qu'elles ont rencontrées à une époque (certainement la naissance) et qu'elles ont incorporées, qu'elles reproduisent sans cesse.
Pourquoi le corps reproduit-il ce contenoir ? Dans l'espoir d'en être libéré bien-sûr.

Alors, contenir, donner à la personne l'occasion d'être contenue par une présence enveloppante, un toucher enveloppant la soulage d'avoir à se contenir elle-même.

Encore une fois, c'est tout simple. Que recherchons-nous ? A ce que la lutte cesse.
Je lutte pour me contenir, je lutte pour éviter de sentir, je lutte pour expulser la peur ou la mauvaise mère, le mauvais père, je lutte pour y arriver, cette fois, je lutte pour sentir ce dont je me suis coupé... Sans comprendre que le simple fait de cesser de lutter va me rapprocher de moi-même.
Qu'il n'y a rien d'autre à faire que de cesser de faire.
Et qu'il n'y a pas d'autre changement que celui d'accepter ce qui est et d'accepter ce qui a été et dont nous sommes séparés par l'idée que cela aurait dû de produire autrement.

EXIL

Une petite pensée pour celles et ceux qui sont exilés d'eux-mêmes. Qui vivent dans un ailleurs pas toujours si inconfortable mais qui manquent un peu du sel de la vie. Il n'est pas si facile de se laisser convaincre de glisser un pied vers le sol quand le ciel nous offre sa légèreté.

Francis Lemaire